Thibault Rio
Infirmier en réanimation médicale

 

J'ai découvert l'hypnose lors du DIU douleur inscrit au plan de formation du CHU et acquis des connaissances grâce à la formation en hypnose conversationnelle.

L'hypnose a complètement modifié ma façon d'être avec les patients. Je peux les soulager en utilisant les bons mots, les bonnes tournures de phrases couplés à une attitude corporelle appropriée. J'ai ainsi une nouvelle corde à mon arc pour apaiser, calmer les angoisses, soulager les douleurs, faciliter le sommeil, améliorer la compliance aux soins, augmenter l'adhésion au projet de soins… Cette prise en charge optimisée est destinée autant aux patients qu’aux familles, qui peuvent elles aussi être dans la détresse et le besoin.

Cette discussion hypnotique ne prend pas plus de temps que la réalisation classique des soins et de l'accompagnement. Je suis même convaincu que je passe moins de temps en négociation avec le patient, par conséquent j'ai plus de temps pour la prise en charge. L'hypnose ne nécessite pas obligatoirement un temps dédié dans un espace dédié, je pratique l'hypnose pendant la réalisation des gestes techniques.

L'hypnose, pour moi, c'est partout et tout le temps. C'est applicable dans tous les services, pour tous les usagers et à tout moment.

Un exemple : un patient d’origine marocaine est arrivé dans l’après-midi. Sa famille nous a dit qu'avant l'hospitalisation pour un AVC il y a quelques mois, il parlait parfaitement le français et que, depuis cet AVC, il ne s’exprime qu'en arabe. Le patient est malheureusement en fin de vie et le pressent. Il doit composer avec quelques douleurs modérées mais continues.

Lorsque je le prends en charge, accompagné de ma collègue aide-soignante qui parle arabe, je le trouve plutôt dans l’opposition. Je lui explique ce qui se passe, pourquoi il est là et ce qui va se passer les heures qui viennent. Pendant que je lui parle, il dit quelques mots que ma collègue traduit, il semble très bien comprendre mes paroles. Je lui demande ce qu'il voudrait vraiment. Il répond qu’il veut être tranquille et qu’il veut rentrer chez lui. Je lui propose alors « d’y aller » et lui demande de me raconter son « chez lui. » Je comprends très vite qu’il ne s’agit pas de chez lui en France, mais de son village natal au Maroc. Grâce aux quelques éléments qu’il me donne sur son village, sur les alentours, sur sa maison..., je lui raconte son histoire, le paysage et la vie dans les environs, même si je suis vite limité avec mon peu d’informations. Malgré tout, le patient semble se détendre et ferme les yeux. Nous pouvons commencer à le réinstaller confortablement dans le lit et à faire les soins. Je le sens pourtant toujours tendu et très réactif. J'essaie de l’emmener un peu plus loin chez lui, mais j’ai le sentiment que lui parler en français le bloque et le ramène sans cesse à l’hôpital. Je propose alors à ma collègue, qui a déjà assisté à des séances d’hypnose, de dire quelque chose en arabe, peut-être une chanson, une histoire... Elle réfléchit puis commence à chanter une comptine connue. Dès les premiers mots en arabe, je sens le patient partir profondément, se détendre, se laisser aller complètement, profiter de ce moment « chez lui ». Une fois les soins terminés, je ne m'adresse au patient que par l'intermédiaire de ma collègue qui lui explique que nous allons quitter sa chambre et le laisser dormir au maximum, mais qu’il peut nous appeler dès qu’il en éprouve le besoin. Il dormira toute la nuit. Au petit matin, il me remercie en français de l’avoir aider à « rentrer chez lui ». Il a continué à s’adresser à moi et à l’équipe en français, ce qui a grandement facilité sa prise en charge.

L’hypnose nous aura ainsi permis d'échanger avec le patient et de beaucoup mieux l’accompagner en réanimation médicale.